15 avril 2008

Comité de défense sociale

Mumia réagit aux derniers développements dans son affaire

Emission de radio « JR and the Block Report », avec le président Fred Hampton Jr. et Mumia Abu-Jamal

Nous reproduisons ci-après une traduction par nos soins de l’interview en anglais qu’a accordée Mumia Abu-Jamal concernant la récente décision judiciaire du troisième circuit de la cour d’appel fédérale à son encontre. L’interview audio est disponible à l’adresse internet suivante : http://www.partisandefense.org/media/Mumia-Flashpoints.mp3

Comité de défense sociale, le 15 avril 2008

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Lundi 7 avril 2008

Aujourd’hui, l’actualité : Mumia Abu-Jamal, prisonnier politique et journaliste dans le couloir de la mort, selon ses propres mots, parle de sa situation juridique pour la première fois depuis le tout récent jugement de la Cour du troisième circuit qui a rejeté son appel ;

Début de la transcription

JR, ministre de l’information : Aujourd’hui nous parlons avec un prisonnier politique depuis 26 ans, Mumia Abu-Jamal, de sa réaction après que la Cour d’Appel du troisième circuit lui a refusé un procès. C’est sa première interview sur la situation depuis ce jugement.

JR : Pour commencer, Mumia, nous avons récemment subi un échec avec cette décision de la Cour d’Appel du troisième circuit. Quelle est ta réaction, et quelle est la situation maintenant ?

MAJ : J’ai appris, au fil des années, à toujours considérer les audiences avec un certain degré de scepticisme. Ceci n’a fait que renforcer cette opinion. Il y a des années, bien des années, en 1987 probablement, quand nous étions devant la Cour suprême de Pennsylvanie, plusieurs de mes avocats à cette époque sont venus me voir après l’audience, et ils étaient enthousiastes parce que, voyez-vous, ils avaient entendu à quel point les juges étaient en colère contre le bureau du procureur de Philadelphie, et ils avaient entendu les questions, et ils avaient entendu les réponses, et leur réaction c’était du genre « ah ah, c’est super, Mumia ».

C’était au début, mais je me suis tenu à mon scepticisme. On apprend ça après de nombreuses années en prison, mais aussi après de nombreuses années en politique, en particulier dans la politique révolutionnaire noire. Et là c’est vraiment du pareil au même.

Un journaliste qui s’est intéressé à l’affaire a appelé ça l’exception Mumia. Le fait est que ce n’est pas l’exception Mumia, c’est la règle Mumia, parce que ça s’est produit avant, donc on ne devrait pas être surpris.

JR : Je sais qu’il y a des gens qui ont qualifié ça de victoire. Peux-tu expliquer comment ce n’est pas une victoire, mais un échec ?

MAJ : Eh bien, si c’était une victoire, c’est une minuscule, une petite victoire, mais pas une victoire. Si on examine ce que le tribunal a dit et ce qu’il a fait, ce qu’il a fait c’est créer de nouvelles règles, cela n’est pas une victoire. C’est encore la règle Mumia. La même chose que ce que la Cour suprême de Pennsylvanie a fait. Pour les gens qui sont au courant, et qui ont lu les précédents judiciaires, il y a une affaire appelée Le ministère public contre Baker, elle a été jugée en 1986. Je sais qu’il y a Internet, donc ça permet aux gens de faire beaucoup plus de recherches, d’une manière qui était difficile à faire il y a plusieurs années. Si on examine la décision de la Cour suprême de Pennsylvanie dans l’affaire Le ministère public contre Baker en 1986, et si on lit l’argument retenu pour le faire sortir du couloir de la mort, et qu’ensuite on lit le même argument avancé par le même procureur devant le même juge, dans le même tribunal si ce n’est dans la même salle, alors on voit comment la Cour suprême de Pennsylvanie a créé une nouvelle règle pour Abu-Jamal, et ensuite a réinstauré l’ancienne règle plusieurs années après. Donc c’est une fois encore la nouvelle règle. Quand un tribunal doit inventer de nouvelles règles et inventer de nouvelles lois pour confirmer quelque chose qui auparavant était injuste, ce n’est pas une victoire. Ce n’est pas une victoire. Mais nous continuons le combat.

Fred Hampton Jr. : Ona Move, libérez-les tous.

JR : Quoi de neuf, Fred Jr.

FHJ : Même combat, un autre round, encore une fois ; comme toujours c’est réconfortant de t’entendre, mon frère.

MAJ : Merci. Je t’ai vu sur PBS il y a quelques jours.

FHJ : C’est vrai ?

MAJ : Ouais, tu parlais à un groupe de gosses dans un bus.

FHJ : OK, ouais, ouais, je vois exactement de quelle émission tu parles. Tout à fait. Nous essayons de faire passer le message par tous les canaux possibles, tu sais ?

JR : C’est exactement ce que tu disais.

FHJ : Oui, effectivement, effectivement. Nous sommes clairs que nous devons continuer à réitérer le fait que nous devons faire ce que nous avons à faire dans la rue, pour faire passer le message. Il faudra la pression du peuple pour obtenir les résultats désirés, mais quelles tactiques penses-tu que nous pouvons employer, et que devons-nous vraiment pousser, ou sur quoi devons-nous vraiment mettre l’accent pour passer à la vitesse supérieure dans cette campagne ?

MAJ : Je pense que tu as mis le doigt dessus. Je pense que beaucoup de gens, même ceux qui se considèrent comme radicaux et révolutionnaires, se sont momentanément endormis, je veux dire que soit ils ont entendu parler des audiences, soit ils y ont assisté, ou ils ont lu des choses là-dessus et ils ont dit, ouah ! C’est bon pour lui.

Laissez-moi vous raconter une histoire, si vous permettez, un ami à moi, qui est avocat, me l’a racontée il y a quelques jours. C’était à Pittsburgh, et il y avait une conférence, une présentation d’un avocat noir très connu spécialisé dans les affaires de peine capitale, qui est originaire d’Alabama. Il s’appelle Bryan Stevenson, et il parlait à un groupe de gens, opposés en général à la peine de mort, mais aussi à des étudiants, à des étudiants en droit et à d’autres personnes, et il a faitson discours, et ça a été très bien reçu, et à la fin les gens se sont levés et ont posé des questions. Eh bien, quelqu’un s’est levé et a demandé, eh bien, alors, qu’en est-il de Mumia ? Et le type a dit, ah, ne vous inquiétez pas, il aura un nouveau procès. Et le hasard a voulu qu’environ 5 minutes avant qu’il ait dit ça, quelqu’un a reçu un texto, c’était à peu près à 11 heures du matin, le 27, et la personne a reçu un texto qui disait ce que le troisième circuit avait fait. Voilà un type qui est un expert reconnu, pas simplement en droit des affaires de peine capitale, mais un expert juridique, c’est un avocat réputé. Donc après avoir lu les affaires et les dossiers, il était sûr, voyez-vous, mais il avait tort.

Parce que, même des avocats très intelligents et très compétents, ce qu’ils ne prennent pas en compte c’est la politique dans le droit, ce qu’ils ne prennent pas en compte ce sont les questions de personnalité dans le droit, ce qu’ils ne prennent pas en compte c’est la capacité du droit à se transformer comme un caméléon. Et beaucoup de gens qui sont très bien informés ou radicaux, ou même révolutionnaires, momentanément, momentanément, ont dit que c’était une bonne chose, parce que ce qu’ils ont lu ou ce qu’ils ont entendu, ou ce qu’ils ont vu pendant les audiences leur a fait croire que ce serait différent cette fois. Eh bien, notre expérience nous a enseigné autre chose, n’est-ce pas ? Donc nous revenons aux bases.

Je ne vais pas dire aux gens ce qu’ils doivent faire ou comment ils doivent s’organiser. Ils savent comment faire ça. Ils doivent faire confiance à leurs instincts. J’ai foi dans le peuple. J’ai toujours cru en lui, depuis que j’étais un jeune adolescent. Le peuple ne te laisse jamais tomber ; je veux dire qu’il fait ce qui est juste, parce qu’il sait au fond de son coeur ce qui est juste. Et je le félicite pour ça.

Je viens d’écrire un article, hier, sur comment nous avons une histoire que parfois nous oublions. Une histoire des tribunaux qui sont du côté de la répression, qui sont du côté non pas de la liberté, mais du côté de l’esclavage. Littéralement, c’est de ça qu’il s’agit avec Dred Scott. Si on examine l’affaire Plessy contre Ferguson, c’est de ça qu’il s’agissait.

Beaucoup de gens croient toujours que Brown contre le Ministère de l’Education a tout changé ; eh bien, ça a changé certaines choses pour certaines personnes. Si vous êtes fortuné, et si vous avez un parent avocat, médecin, professeur ou quelque chose comme ça, ça va pour vous, vous pouvez toujours avoir des problèmes mais ça va pour vous. Vous avez les ressources pour vous occuper de votre famille, et pour faire ce que vous avez à faire pour avoir une vie très confortable, une vie que vos parents et vos grands-parents ne pouvaient même pas imaginer. Mais si vous êtes noir et pauvre dans cette société, les choses n’ont pas vraiment changé pour vous ; en fait, à certains égards la situation a empiré. Je veux dire, on parle de ce que Brown contre le Ministère de l’Education a décidé en, quoi, 1955, 1953, qui a mis fin à la ségrégation légale aux Etats-Unis. Mais je suis allé au lycée dans les années 1960 dans une école ségrégée ; j’avais été dans une école primaire ségrégée et dans un collège ségrégé. La seule véritable intégration dont j’ai bénéficié pendant ma scolarité, ça a été dans les cours de vacances ou à l’université. Et ces mêmes écoles où j’étais inscrit enfant ne sont pas très différentes pour ceux qui ont l’âge de mes petits-enfants ou les adolescents d’aujourd’hui. La ségrégation légale est une chose ; la ségrégation dans la vraie vie en est une autre. Donc il faut se rappeler ce que nous savons, et agir sur la base de ce que nous savons. Rappelons-nous ce que le vieux Frederick Douglass nous avait enseigné, que le pouvoir ne cède rien si on n’exige rien.

FHJ : Ca a été abordé à de nombreuses occasions, par toi et par tant d’autres forces. Voudrais-tu dire un mot sur ce que le cas de Mumia Abu-Jamal représente, et pourquoi nous avons tous les appareils, depuis les rappeurs qui se font réprimander quand ils essaient de parler de toi dans des vidéos, jusqu’à certaines médias qui se font réprimander, et même jusqu’au fait que le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, en page cinq du document qui justifie son refus d’accorder sa grâce à Stanley Tookie Williams, a souligné le fait que Stanley Tookie Williams s’identifiait avec des forces comme le maréchal George Jackson et y compris avec Mumia Abu-Jamal. Qu’estce que c’est, est-ce que tu représentes un symbole ? Qu’est-ce que Mumia Abu-Jamal, ce qu’il représente. Peux-tu nous l’expliquer ?

MAJ : Je pense que pour beaucoup de gens, en particulier pour ceux dans l’establishment, je représente, à beaucoup d’égards, leur plus grand cauchemar, parce que pour beaucoup de gens qui ne savent pas, qui n’ont pas vécu…

Une voix : Cet appel provient de la maison d’arrêt de Green, il est sous écoute et enregistré.

MAJ : … cette période et qui ne savent rien du Black Panther Party et du mouvement de libération des Noirs. Ils ont peut-être vaguement entendu parler du mouvement des droits civiques, ils pensent que tout baigne dans l’huile maintenant. Ceux qui le vivent le savent, ils ne sont pas de cet avis, ils savent que la vie d’un Noir du ghetto, ou la vie d’une personne à la peau brune du barrio aujourd’hui, c’est tout simplement l’enfer. Ils luttent toujours pour leurs 20 hectares et leur 2 mulets, parce qu’ils n’ont rien. Et pour couronner le tout, ils ont maintenant le mépris de la bourgeoisie noire, qui est maintenant mariée avec le mépris de la classe politique. Mais ce dont ils ont peur, c’est…

La voix : Il vous reste 60 secondes

MAJ : …Ce dont ils ont peur, c’est que la révolution noire se rallume, voyez-vous, et c’est pourquoi nous avons actuellement la politique que nous avons, la politique d’acceptation, où les Noirs s’excusent pour ce que les prédicateurs noirs leur disent à l’église. Et c’était autrefois un des seuls endroits où les gens pouvaient parler de liberté, pouvaient vraiment dire la vérité au pouvoir. Maintenant ça doit être édulcoré politiquement, pour que les gens de l’extérieur, les gens qui n’ont jamais été dans une église noire, viennent dicter…

La voix : Il vous reste 30 secondes

MAJ : …ce qu’écoutent les Noirs, c’est de la folie. Ona MOVE !

FHJ : Ona MOVE, libérez-les tous. Si tu entends cette clameur, dans différentes langues, depuis la Scandinavie jusqu’à l’Afrique, et dans le monde entier, ce bruit fort c’est pour qu’ils sachent qu’il y a des gens qui disent, libérez Mumia Abu-Jamal. Libérez-les tous !

MAJ : Transmets-leur mon amitié et dis-leur, Ona MOVE !

FHJ : Ona MOVE !

MAJ : Merci à vous tous !

FHJ : Merci à toi !

JR : Vous venez d’entendre la voix du prisonnier politique Mumia Abu-Jamal, qui réagissait pour la première fois publiquement à la décision de la Cour d’Appel du troisième circuit de ne pas lui accorder un procès. Nous demandons à nos auditeurs de s’engager dans la campagne pour la libération immédiate de Mumia, parce que votre aide est précieuse pour arracher cet ancien Black Panther des griffes du gouvernement des Etats-Unis, qui veut tuer ce combattant pour la liberté et ce journaliste prolifique, connu par beaucoup comme la voix des sans-voix. Ici le ministre de l’information J.R. et le président Fred Hampton Jr. sur la radio Block Report du POCC [Prisoners of Conscience Committee – comité pour les prisonniers de conscience], nous rendons maintenant l’antenne.

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Le CDDS est une organisation de défense légale et sociale, non sectaire, se basant sur la lutte de classe et prenant fait et cause pour les intérêts de tous le travailleurs. Cet objectif est en accord avec les conceptions politiques de la Ligue trotskyste de France.