Communiqué de presse

19 mai 2007

Comité de défense sociale

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Contact en France: Myriam Benoît 01 42 08 01 49

Audience en appel dans le cas de Mumia

Le Partisan Defense Committee déclare :
Pour une défense lutte de classe
pour la libération immédiate de Mumia !

Nous publions ci-après une déclaration du 19 mai du Partisan Defense Committee, notre organisation soeur aux USA.

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La cour d’appel fédérale du troisième circuit des Etats-Unis à Philadelphie a entendu en appel le 17 mai les plaidoiries dans le cas de Mumia Abu-Jamal, prisonnier politique dans le couloir de la mort ; il se peut que la procédure judiciaire en cours soit la dernière pour Mumia. Au moment où plus de 500 partisans de Mumia étaient rassemblés à l’extérieur du tribunal et où beaucoup d’autres assistaient à l’audience, l’accusation a argumenté en faveur du rétablissement de la condamnation à mort qui avait été annulée en 2001 par une décision du juge du tribunal fédéral de district William Yohn ; cette dernière décision avait par ailleurs confirmé sous tous ses aspects la condamnation de Mumia, faussement accusé du meurtre en décembre 1981 de Daniel Faulkner, un policier de Philadelphie. Les avocats de Mumia, sous la direction de Robert Bryan, ont été autorisés à soulever seulement deux objections, sur plus de vingt, à la condamnation fabriquée de toutes pièces de Mumia : le parti pris raciste dans la sélection du jury, et le réquisitoire préjudiciable du procureur devant le jury prétendant que Mumia pourrait faire « appel sur appel », ce qui sapait la norme du « doute bien fondé ».

Un autre point présenté devant la cour d’appel concerne le grossier parti pris des audiences post-condamnation (PCRA) qui s’étaient déroulées entre 1995 et 1997 devant le tristement célèbre juge et « roi de la peine de mort » Albert Sabo, le même qui avait présidé le procès de Mumia en 1982 et que quelqu’un avait entendu dire à l’époque qu’il allait les aider à « faire griller ce n - - -e ». Durant les audiences post-condamnation, Sabo avait récusé de nombreux témoins de la défense, rejeté les requêtes de la défense et fait emprisonner Rachel Wolkenstein qui était, à ce moment-là, l’un des avocats de Mumia ; Sabo lui reprochait d’avoir essayé de présenter des preuves qui démontraient l’énorme disproportion entre le nombre de condamnations à mort prononcées contre des Noirs et contre des Blancs à Philadelphie.

Après l’audience devant la Cour du troisième circuit, Wolkenstein, qui est conseillère juridique du Partisan Defense Committee [PDC], a mis en garde qu’« une décision pourrait tomber d’ici quelques semaines et, quelle que soit la décision prise, il y aura probablement appel devant la très réactionnaire Cour suprême américaine. Ceci rend d’autant plus urgent de relancer des manifestations de masse pour faire libérer Mumia sur la base qu’il est innocent et victime d’une machination politique et raciste ». Wolkenstein a ajouté : « Il ne faut se faire aucune illusion sur ces procédures d’appel devant la Cour fédérale. Il existe des montagnes de preuves de l’innocence de Mumia, y compris la déclaration sous serment d’Arnold Beverly que c’est lui, et non Mumia, qui avait abattu Faulkner. Mais depuis plus de 25 ans, tant les tribunaux de l’Etat de Pennsylvanie que les tribunaux fédéraux rejettent ou même refusent de prendre en considération ces preuves. Les flics, l’accusation et les tribunaux – avec le soutien des politiciens capitalistes, démocrates comme républicains – voient en Mumia, un ancien porte-parole du parti des Black Panthers, partisan de MOVE et journaliste qui ne mâche pas ses mots, le spectre de la révolution noire. L’Etat est déterminé à lyncher légalement Mumia ou à l’enterrer pour le restant de ses jours dans l’enfer de la prison. Il ne faut pas que cela arrive ! »

Les membres du troisième circuit – le juge principal Anthony J. Scirica et les juges Thomas L. Ambro et Robert E. Cowen – ont criblé de questions l’accusation sur les instructions et le formulaire de condamnation donnés au jury à propos de la peine de mort, ainsi que sur les remarques du procureur pendant son réquisitoire au procès selon lesquelles les jurés devaient condamner Mumia parce qu’il pourrait faire « appel sur appel ». De nombreuses personnes dans l’assistance ont commenté après coup que les juges semblaient favorables à Mumia sur ces questions, ce qui pourrait mener à confirmer l’annulation de la condamnation à mort et à octroyer un nouveau procès. Ramona Africa, qui a passé sept ans en prison parce qu’elle était le seul adulte ayant survécu au massacre à la bombe incendiaire de l’organisation MOVE à Osage Avenue, commis par le FBI et la police en mai 1985, a présenté une vision plus réaliste du tribunal en faisant remarquer après l’audience, à propos du « jargon judiciaire » : « Ils peuvent s’asseoir là et sembler très attentifs et paraître pencher du côté de la défense et ainsi de suite. Mais cela ne veut rien dire. Ils peuvent revenir avec une décision qui sera complètement à l’opposé. » Wolkenstein observait : « Au cours de l’audience en appel de Mumia en 1988 devant la cour de l’Etat de Pennsylvanie, le juge principal de la Cour suprême de Pennsylvanie a dit sans ambiguïté au procureur de la République que c’était une violation du droit constitutionnel “à un procès équitable” de la part de l’accusation d’avoir avancé les arguments sur l’“appel sur appel”, et il a rappelé la jurisprudence de ce même tribunal. C’est la même question qui se pose maintenant devant la cour d’appel fédérale. Et pourtant, la Cour suprême de l’Etat a rejeté à l’époque à l’unanimité chaque requête de la défense. »

La plupart des questions des juges pendant l’audience qui a duré deux heures se sont concentrées sur la question du parti pris raciste de l’accusation lors de la sélection du jury. Bryan a déclaré que l’accusation a récusé 15 jurés potentiels, dont dix étaient noirs et cinq blancs. Ceci, a-t-il dit, constituait un « commencement de preuve » de discrimination raciale. Mais les juges ont fortement mis en doute que les avocats de Mumia aient auparavant tenté d’établir une nette tendance à un parti pris raciste au cours du procès de 1982, y compris pour déterminer la composition raciale du pool de jurés potentiels qui faisait plus de 100 personnes. Wolkenstein a fait remarquer : « L’argument légal avancé le 17 mai par les avocats de Mumia était incomplet. Aux audiences post-condamnation de 1995, nous avons soumis une requête auprès du responsable de la sélection des jurés pour le comté de Philadelphie pour qu’il établisse la composition raciale de la totalité des candidats au jury, mais le juge Sabo a rejeté cette requête avec l’accord de l’accusation ! »

Wolkenstein a poursuivi : « Nous nous sommes battus aussi pour obtenir des preuves supplémentaires devant les tribunaux. En avril 1997, nous avons présenté une requête post-condamnation additionnelle après qu’une vidéo vieille de dix ans d’un cours de formation donné par Jack McMahon, alors assistant du procureur, avait été rendue publique ; cette vidéo confirmait que c’était la politique et l’objectif du bureau du procureur d’exclure les jurés noirs. Cette pratique raciste avait aussi été confirmée par une étude de David Baldus, documentant que pendant une période de dix ans, les chances d’être récusé d’un jury de Pennsylvanie étaient 5,2 fois supérieures pour les Noirs que pour les Blancs. Le procureur de Philadelphie s’était bruyamment opposé à la soumission de ces preuves, et tant la Cour suprême de Pennsylvanie que le juge Sabo avaient rejeté les requêtes de Mumia à ne serait-ce qu’y consacrer des audiences. Contrairement à la position que le procureur a argumentée le 17 mai et à la déclaration de l’avocat actuel de Mumia, Robert Bryan, selon lesquelles la défense avait été “un peu tardive et un peu juste” pour présenter les preuves de la sélection raciste du jury, c’était le procureur et les tribunaux qui ont empêché que ces preuves soient entendues lors des audiences post-condamnation. » Elle a déclaré en résumé : « Ce qui est caractéristique de ce système d’injustice, comme on peut particulièrement le voir dans toute l’histoire du dossier de Mumia, c’est le fait que l’obstruction précédente du procureur à la présentation des preuves est maintenant citée comme la base pour que la Cour refuse de même les prendre en considération. »

Ayant fait partie de l’équipe d’avocats de Mumia entre 1995 et 1999, Wolkenstein a obtenu les aveux d’Arnold Beverly ainsi que d’autres preuves cruciales. En juin 1999, Arnold Beverly a déclaré sous serment qu’il avait été engagé pour assassiner Faulkner, qui apparemment gênait les pots-de-vin reçus par la police grâce à la prostitution, le jeu et la drogue ; il a déclaré aussi que « Jamal n’avait rien à voir avec la fusillade ». Wolkenstein a insisté qu’« aucun tribunal, y compris le troisième circuit, n’a jamais pris en compte cette preuve, ni aucune autre parmi la montagne de preuves de l’innocence de Mumia et de la machination de l’Etat. » Wolkenstein a démissionné de l’équipe d’avocats de Mumia lorsque Leonard Weinglass, l’avocat principal de Mumia à l’époque, a refusé que les aveux de Beverly soient présentés devant le tribunal. Après que Mumia avait renvoyé Weinglass deux ans plus tard, l’équipe d’avocats qui l’a remplacé a présenté la déclaration sous serment de Beverly tant devant la cour de l’Etat que la Cour fédérale, ainsi qu’une déclaration de Mumia où il affirmait : « Je n’ai pas tiré sur l’agent de police Daniel Faulkner. Je n’ai rien à voir avec la mort de l’agent de police Faulkner. Je suis innocent. » Les tribunaux ont refusé même de prendre en considération ces déclarations.

Wolkenstein a expliqué que « les tribunaux ont refusé que les aveux de Beverly soient présentés parce qu’ils démontrent que l’injustice subie par Mumia n’était pas l’œuvre d’un flic, d’un procureur ou d’un juge véreux mais que c’est le fonctionnement même du système de la “justice”, dont le but est de réprimer la classe ouvrière, les minorités et les pauvres au nom de la classe capitaliste au pouvoir. Parallèlement, la police et l’accusation n’ont reculé devant rien pour attaquer Mumia : intimidation de témoins, disparition ou falsification des preuves de l’innocence de Mumia, et des campagnes contre quiconque prend la défense de Mumia ». Dans les semaines précédant l’audience du 17 mai, le Fraternal Order of Police [association de policiers] a harcelé et menacé des partisans de Mumia, les obligeant à changer le lieu prévu pour la célébration de l’anniversaire de Mumia, et les flics de la ville de New York ont harcelé un concert de hip-hop organisé en soutien à Mumia.

En parlant des préjugés de classe et de race inhérents au système judiciaire capitaliste des Etats-Unis, Wolkenstein a souligné que « le type de pression qui peut avoir un impact sur les tribunaux, c’est la puissance sociale du mouvement ouvrier multiracial mobilisé pour exiger que cet innocent soit libéré immédiatement ». Le PDC a organisé des cortèges pour les manifestations du 17 mai à Philadelphie et San Francisco avec les mots d’ordre : « Mumia Abu-Jamal est innocent – Pour une défense lutte de classe pour sa libération immédiate ! Il n’y a pas de justice dans les tribunaux capitalistes ! Abolition de la peine de mort raciste ! » Le rassemblement de Philadelphie était organisé par l’International Concerned Family and Friends of Mumia Abu-Jamal (ICFFMAJ – association internationale de la famille et des amis de Mumia Abu-Jamal) et la New York Coalition to Free Mumia (NYCFM – Coalition pour libérer Mumia).

Gene Herson, le coordinateur du PDC pour les questions syndicales, expliquait : « Nous sommes pour utiliser tous les moyens légaux en défense de Mumia, mais sans illusion dans le système des tribunaux capitalistes. » Il faisait remarquer : « C’est un déferlement de protestations internationales, dont l’élément crucial était une mobilisation syndicale internationale, qui a retenu la main du bourreau en août 1995, alors qu’un ordre d’exécution visant Mumia avait été signé. Le mouvement ouvrier multiracial – ceux qui créent les richesses de cette société et ont la puissance de la paralyser – doit être mobilisé indépendamment des forces de l’Etat capitaliste. » Il a fait contraster cette perspective lutte de classe avec « les groupes qui basent leur activité sur un appel pour un nouveau procès pour Mumia ». Ceci signifie prêcher la confiance dans les mêmes tribunaux racistes qui ont expédié Mumia dans le couloir de la mort. Ceci signifie semer des illusions que Mumia puisse obtenir justice du même Etat capitaliste qui a assassiné 38 Black Panthers dans le cadre des opérations COINTELPRO (« contre-espionnage ») du FBI et qui a massacré onze Noirs, y compris des femmes et des enfants, dans l’attaque à la bombe incendiaire contre MOVE en 1985. » Herson rajoutait : « Si la lutte pour libérer Mumia est victorieuse, ce sera un coup porté à la campagne du gouvernement pour liquider les droits démocratiques au nom de la “guerre contre le terrorisme”. Cela fera prendre conscience au mouvement ouvrier de sa propre puissance. Le combat pour Mumia, c’est le combat pour la libération des Noirs, pour la libération de nous tous, cela fait partie intégrante de la lutte pour la révolution socialiste. »

Tom Cowperthwaite, s’adressant au nom de la Labor Black League [Ligue ouvrière et noire] de New York au rassemblement de Philadelphie, a dit que l’« accusation, les flics et les politiciens racistes tant du parti démocrate que du parti républicain » ont Mumia pour cible « parce qu’il dit la vérité sur l’impérialisme américain sanguinaire et sur le système brutal d’exploitation et d’oppression raciale qu’est l’Amérique capitaliste ». Cowperthwaite, membre de la section n° 100 du Transport Workers Union [syndicat des travailleurs des transports] à New York, a parlé de l’urgente nécessité de mobiliser la puissance sociale du mouvement ouvrier en défense de Mumia. Il a remarqué : « Quand nous avons paralysé New York pendant trois jours en décembre 2005, nous n’étions pas juste en train de faire grève pour nous-mêmes mais pour tous ceux qui sont accablés par les patrons racistes et avides et qui haïssent les ouvriers. Une attaque contre un est une attaque contre tous ! Il n’y a aucun substitut à la lutte de classe ! »

Comme l’écrivait le puissant Congress of South African Trade Unions (COSATU – Confédération des syndicats sud-africains) dans son journal Shopsteward, mars 2007 : « On ne gagnera pas la liberté de Mumia en faisant confiance à la justice truquée des capitalistes. Ce qui peut vraiment renverser la vapeur, c’est la puissance de millions de personnes unies dans le monde entier – les travailleurs unis dans la lutte pour libérer un innocent. » Il est possible de monter des protestations de masse centrées sur la classe ouvrière ; on peut le voir au fait que des centaines de syndicalistes et d’importantes personnalités dans le monde ont signé la déclaration, dont le PDC est à l’initiative, intitulée : « Nous exigeons la libération immédiate de Mumia Abu-Jamal, qui est innocent. » Cette déclaration, qui mentionne les aveux d’Arnold Beverly, a été publiée dans la revue Nation et dans un certain nombre de journaux importants de la communauté noire aux Etats-Unis et dans des journaux de gauche en Europe. Parmi ceux qui ont récemment joint leur voix à cet appel, on trouve la section du métro de Detroit de la Coalition of Black Trade Unionists [Coalition des syndicalistes noirs]. Parmi les autres signataires, on compte la lauréate du prix Nobel Nadine Gordimer, Manning Marable, Henry Louis Gates Jr, Cornel West, Charles Barron (conseiller municipal de la ville de New York), le député de l’Illinois Danny K. Davis et l’ex-députée de Géorgie Cynthia McKinney.

Rachel Wolkenstein a souligné : « La bourgeoisie veut très sérieusement que Mumia Abu-Jamal soit peut-être bientôt une nouvelle victime de la peine de mort barbare. La machination contre Mumia symbolise ce à quoi se résume la peine de mort raciste aux Etats-Unis : un héritage de l’esclavage, le lynchage raciste légalisé. Nous sommes contre la peine de mort par principe – nous ne reconnaissons pas à l’Etat le droit de décider qui doit vivre ou mourir. Il faut libérer Mumia immédiatement ! »

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Le PDC est une organisation de défense légale et sociale, non sectaire, se basant sur la lutte de classe et prenant fait et cause pour les intérêts de tous les travailleurs. Cet objectif est en accord avec les conceptions politiques de la Spartacist League. Le pendant en France du PDC est le Comité de défense sociale, celui de la Spartacist League la Ligue trotskyste de France.